« [Samuel Beckett] estime que ce qui est exigé de l’artiste, c’est de disparaître en tant qu’individu de ce qu’il fait. »
Ce passage extrait de « Rencontres avec Samuel Beckett » par Charles Juliet (POL, 1999), Monique Martin l’a un jour souligné, au détour d’une lecture sur un homme qu’elle admirait. Sans doute se retrouvait-elle dans cette petite phrase, elle qui détestait les mondanités, fuyait la presse et la célébrité, et dit un jour à son éditeur qui la sollicitait pour une prestigieuse émission de télévision: « Tout est dans mes livres ».

On parle souvent du silence omniprésent dans l’oeuvre de Samuel Beckett. Du non-dit, du langage « blanc », qui en dit long… Est-ce cela que Monique Martin admirait tant chez le poète, l’homme de théâtre, l’écrivain? Elle qui croquait en quelques traits une vie entière sur un visage. Elle qui peignait, en quelques coups de pinceau vigoureux, un lit, une table vide. Et qui, dans ce vide, disait tant de choses… Elle qui se consacra durant 15 ans exclusivement au noir et blanc, et dans ce blanc, mit tant d’émotions.
Les deux artistes se ressemblaient: deux âmes sensibles, indignées par les misères de la vie, se réfugiant dans leur art, nourriture suffisante pour leur esprit magnifique.
« L’écriture m’a conduit au silence », dit encore l’écrivain. Dans le monde d’aujourd’hui, dominé par les nouvelles technologies et l' »hyper-connectivité », le silence, le non-dit, la page blanche, le « vide » ne sont-ils pas décidément d’or?
Julie Bardiau
Tout comme Monique Martin qui laisse à la Fondation une correspondance épistolaire extrêmement riche, Samuel Beckett rédigea plus de 15 000 lettres. 5 000 d’entre elles sont aujourd’hui publiées aux éditions Gallimard, dans un premier tome allant de 1929 à 1940. (Samuel Beckett, Lettres, 1929-1940, trad. de l’anglais (Irlande) par André Topia. Edition George Craig, Martha Dow Fehsenfeld, Dan Gunn et Lois More Overbeck, Gallimard, 2014)