Gabrielle Vincent n’a pas seulement mis son talent artistique dans ses albums pour enfants. Elle y a également mis tout son cœur et sa personnalité. En grande humaniste, voire en grande révoltée par les injustices et dérives de notre société, elle place subtilement au coeur de ses histoires les valeurs qui lui sont chères, sorte de transmission à la jeune génération. Toujours sur le ton de l’humour. Jamais sur celui de la morale. Zoom sur quelques thématiques récurrentes dans « Ernest et Célestine »…

Des personnages solidaires et humanistes

Ernest est malade

Si  un esprit d’entraide et de solidarité transparaît au fil des albums « Ernest et Célestine », il est un témoignage de la générosité et de l’humanisme de Gabrielle Vincent elle-même. À travers des histoires pleines de philosophie, elle glisse un message subtil au lecteur, enfant ou adulte. Cette solidarité s’exprime dans la relation tendre et protectrice entre Ernest et Célestine, mais aussi dans les gestes qu’ils accomplissent envers les autres. Dans « La cabane », par exemple, ils viennent en aide à une personne sans domicile, qui s’est installée dans une cabane construite par Ernest pour Célestine. Par ailleurs, ils ont un ami proche, prénommé Boléro, également sans-abri, que Célestine affectionne particulièrement.

Boléro : un ami pas comme les autres

Boléro, Ernest et Célestine

Véritable symbole de l’esprit de solidarité et de tolérance d’Ernest et Célestine (et à travers eux, de celui de Gabrielle Vincent), Boléro est un personnage « phare » de la série. Sans-abri, mais bon-vivant, grand ami d’Ernest et Célestine, il est le seul personnage secondaire qui ait l’honneur de figurer dans plusieurs albums : « La tante d’Amérique »,  « Ernest et Célestine au cirque », « Ernest et Célestine ont des poux », et, en filigrane, dans « la chute d’Ernest ». Au fil de ces quatre histoires, on décèle une réelle amitié entre les personnages, Célestine n’hésitant pas à confier son chagrin à Boléro, à l’inviter à la maison pour un repas au chaud ou pour revoir ses leçons d’orthographe, avec celui qui fut autrefois instituteur…

Une simplicité de vie

La chambre de Joséphine

Ernest et Célestine ne sont pas riches et vivent très simplement. Entre deux recherches d’emploi, le mot d’ordre est : débrouille. Car si l’argent ne coule pas à flot, les idées foisonnent. À l’image de Gabrielle Vincent, Ernest et Célestine maîtrisent parfaitement l’art du recyclage et du « fait maison ». C’est la trame de « La chambre de Joséphine », mais aussi de « Noël chez Ernest et Célestine », où l’on improvise une fête 100% récup’, et du « Patchwork », dans lequel Ernest compose deux couvertures à partir d’échantillons de tissu trouvés dans une poubelle…

Un air de début du XXe siècle…

Un caprice de Célestine

Lire « Ernest et Célestine », c’est se transposer dans un univers hors de notre temps. La modernité et le rythme effréné de notre époque y laissent la place à une atmosphère emplie de simplicité et de sérénité. Un intérieur simple et chaleureux, une vieille cuisinière au gaz, une ancienne bassine en zinc, quelques vieilles photographies en noir et blanc (« Ernest et Célestine chez le photographe »), insufflent aux albums  d’ «  Ernest et Célestine » un petit air de début de XXe siècle…

Ernest et Célestine, deux âmes « déracinées »

Les questions de Célestine

« Ernest et Célestine », c’est aussi l’histoire de deux êtres « déracinés ».  Dans « Une chanson », le lecteur apprend qu’Ernest est un immigré roumain : « (…) quand j’étais petit, ma mère me chantait toutes ces chansons, pour m’endormir, le soir. … Des chansons de Roumanie. Tous les soirs, je joue du violon pour Célestine et je lui chante ces  chansons-là. (…) Je chante pour Célestine et je pense à ma mère. » On sait aussi qu’avant l’adoption de Célestine, il vivait seul et on ne lui connaît pas de famille proche (excepté deux tantes, Joséphine, et Petula qui vit en Amérique). Célestine, elle, a été abandonnée dans une poubelle. C’est le récit de « La naissance de Célestine » et le sujet des « Questions de Célestine », dans lequel Ernest lui explique leur rencontre, alors qu’elle n’est encore qu’un nourrisson. Par un après-midi pluvieux, il la recueille, au milieu des ordures, et la ramène chez lui. « Ernest et Célestine », c’est l’histoire de deux êtres sans racines, qui se sont trouvés, et se sont unis, pour créer leur propre foyer.

Un thème récurrent: la peur de l’abandon

Ernest et Célestine. Le labyrinthe

Au bonheur de s’être trouvés se mêle inévitablement la peur de se perdre et de se retrouver seul, à nouveau. Cette angoisse de l’abandon est une thématique récurrente dans les  26 albums de la série de Gabrielle Vincent. Dans « Le labyrinthe » et « Ernest et Célestine au musée », Célestine se perd dans un dédale d’allées et de couloirs. Dans « Noël chez Ernest et Célestine », elle perd Ernest pendant quelques instants de grande panique. Dans « Ernest et Célestine ont perdu Siméon », c’est son doudou fétiche qu’elle laisse tomber dans la neige. – « (…) je pourrais vraiment te perdre, Ernest ! Ne plus te retrouver… Tu pourrais partir loin, loin de moi… et je resterais sans toi… – Me perdre ?! – Oui, tu partirais en voyage sans moi, par exemple pour travailler… Je ne sais pas moi ! – En voyage, moi ? Sans toi ?! – Mais non, hein, Ernest ? Que je suis bête ! Qu’est-ce que tu ferais sans moi, dis ? » (« Ernest et Célestine au musée »)

Un esprit de fête à toute épreuve

Noël chez Ernest et Célestine

La vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille pour Ernest et Célestine : les petits bobos de l’enfance y côtoient les grands soucis du monde adulte. Et pourtant… Les problèmes financiers, les soucis de santé, les peurs enfantines, rien n’entache l’optimisme naturel de Célestine, ni le désir ardent d’Ernest de faire son bonheur. Chaque histoire se termine ainsi sur une danse, un air de violon, une fête entre amis… « Ernest, moi je sais qu’il ne faut pas d’argent pour notre fête ! … on irait chercher une grosse bûche au bois, et aussi un sapin ! Tu jouerais du violon, on danserait, on chanterait… Pour manger ? … tu fais une tarte, des galettes, du jus d’orange, du chocolat et voilà tout ! … Pour les cadeaux, on ferait des dessins, des collages, des découpages… des chapeaux, des étoiles… des guirlandes, des serpentins, que je peindrais avec toi… » (« Noël chez Ernest et Célestine »)

2 réponses à Ernest et Célestine: zoom sur les grands thèmes de la série
  1. Fabienne

    Un bonjour plein de gratitude à votre intention.
    Bibliothécaire française retraitée ayant fait une formation « jeunesse », j’avais goûté avec beaucoup de bonheur aux albums d' »Ernest et Célestine », incontournables !
    Une amie belge vient de me parler de votre exposition – que je ne verrai malheureusement pas – et de me donner l’adresse de votre site.
    Bonheur, à nouveau, de retrouver la finesse de ces aquarelles, la délicatesse de ces personnages et de leur monde. Mais beaucoup plus que cela peut-être grâce à l’éclairage que vous donnez sur Gabrielle Vincent, sur ce qui l’animait et dont je me sens bien proche quelques soient les années qui nous séparent.
    Et c’est à mes yeux (à mon esprit, à mon coeur) un chemin de vie authentique que vous mettez en lumière, et que j’espère partager avec mes proches.
    Que ces forces d’amour perdurent, et qu’elles transmutent notre monde dans ses débats douloureux !

    • Un grand merci pour ce beau témoignage et cet élan d’amour! Monique Martin, par sa personnalité et par son oeuvre était une personne unique, qui marquait quiconque la lisait, la croisait ou admirait son oeuvre. Nous nous employons, à la Fondation, à faire vivre son travail et transmettre ses valeurs et sa belle personnalité. Et nous sommes toujours heureux de ces témoignages qui nous chuchotent à l’oreille que, peut-être, nous sommes sur la bonne voie…
      A bientôt, sur l’une de nos expos, nous l’espérons 🙂

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